Observations réalisées dans un aquarium marin à filtration naturelle,par zones d’éclairage séparées par Michel Fraiture

Texte et photos
                                        par Michel Fraiture

 


A. DESCRIPTION DE L’AQUARIUM

Monobloc de 600L avec, sur le côté droit, un compartiment technique de plus ou moins
50 L, séparé par une vitre aux coins cassés. Cette partie n’est pas un filtre car elle contient les instruments de chauffage, un écumeur, une pompe Turbelle de 2.000L/h , rien d’autre, pas de filtration biologique avec mousses. La seule épuration de l’eau se fait par l’écumeur Tunze avec pompe de 1000L/h.

Le positionnement de l’éclairage est la base de la recherche d’une filtration naturelle optimale.
Un HQI de 250W est décentré sur la gauche de l’aquarium pour laisser apparaître une zone dans l’ombre sur la droite, juste avant la partie filtre.
2 tubes de lumière bleue, Sylvania F/36W Blue, viennent compléter le système, pour éclairer en profondeur d’abord, l’aquarium faisant 70cm de hauteur, mais aussi pour donner un effet de lumière du jour bien clair, sans dominante jaunâtre.
Il y a donc ainsi trois zones éclairées différemment dans l’aquarium :
- une zone fortement éclairée, l’HQI à 20cm de l’eau, et les coraux arrivant à 20cm de la surface.
- une zone de pénombre, partie droite où se trouve à mi-hauteur un corail mort de décoration en forme de plateau pour diminuer encore l’éclairage dans la partie basse.
- une zone non éclairée dans la partie technique que j’appellerais bac de décantation s’il n’y avait pas une prise d’eau pour la Turbelle de 2000L/h. Je considère cette chambre comme faisant partie de l’aquarium car toute une vie s’y développe, comme nous le verrons plus loin.

Eclairage HQI      

 
   
Vous pouvez observer ci-dessous le décalage vers la gauche de l’éclairage. La partie droite de l’aquarium, comprenant notamment le compartiment filtre n’est pas visible sur la photo.
 
   
Le décor
Le décor est formé uniquement d’un mélange de coraux morts et de pierres vivantes, 50% de chaque sorte, plus ou moins.
Avant de poser ces coraux sur le sol de sable de corail (5cm), j’ai placé un petit montage fait de morceaux de verre collés au silicone et ressemblant à une étagère. Ce montage est complètement caché par les coraux placés dans le bac mais donne ainsi une aération importante de l’arrière de l’aquarium, tout en servant de refuge aux poissons peureux. Ce système donne de nombreux avantages :
- il permet aux poissons, comme je viens de le dire, de se cacher.
- Il permet d’avoir une aération maximale du décor avec un courant d’eau qui passe aussi derrière. Aucun corail mort ou vivant n’est étouffé par les autres, c’est important.
- Il évite d’accumuler des kgs de roches inutiles qui prennent la place de l’eau lorsque l’on décide de mettre du relief et rapprocher certaines parties exposées de la surface de l’eau.
Sur le côté de ce décor, dans un coin caché, j’ai dissimulé une pompe Eheim 1500L/h qui ne sert qu’au brassage de l’eau.
Attention, pour que le système de filtration naturelle fonctionne à plein effet, il est impératif d’installer le décor en une fois et ensuite ne plus y toucher, pendant plusieurs années. Un corail déplacé pour l’une ou l’autre raison (poisson mort à enlever, par exemple), doit être remis dans sa position initiale. Si vous allez en vacances en Bretagne, vous verrez des écriteaux sur les plages « si vous déplacez un caillou, remettez-le dans sa position initiale ». En effet, la faune et la flore n’ont pas les mêmes variétés, côté pile ou côté face.

L’eau
Densité : 1021
PH : 8,3
NO2 : 0,0 mg/l
NO3 : varie entre 0,0 et 0,8 mg/l
PO4 : < 0,1 mg/l
Ca : 400 mg/l
Une eau normale, en fait, rien de spécial sinon la variation des nitrates. La population de poissons et les déchets qu’ils rejettent en sont les premiers responsables.

La faune et la flore
Poissons : 1 Diodon holacanthus, 1 Euxiphipops narvachus, 2 Amphiprions frenatus, 1 Salarias salarias, 1 Zebrasoma flavescens, 1 Paracanthus hepatus. Ce ne sont pas de petites bêtes, toutes adultes, je les possède depuis 8 ans minimum, excepté Salarias, 3 ans
Invertébrés : 1 corail mou du genre Tubipora, 1 corail dur du genre Favia, 1 oursin à longs picots, adulte, une anémone tapis verte de grandeur moyenne et ensuite … une foule de petites créatures, visibles ou cachées, qui me servent de filtration naturelle.

Maintenance
Vous aurez remarqué que le système de filtration que je préconise n’est pas basé sur l’achat d’un matériel coûteux, au dernier cri de la dernière mode. Je me bats avec mon aquarium pour arriver à une situation où l’on dépense le moins possible d’argent tout en gardant un aquarium mixte, peuplé aussi bien de poissons que d’invertébrés. Ceux qui me connaissent savent que je préfère un aquarium vivant, dans lequel les animaux se déplacent plutôt que celui avec animaux sessiles uniquement.

Je donne à manger tous les deux ou trois jours aux poissons et à l’anémone, un repas copieux de moules crues.
Les changements d’eau sont importants : 100L toutes les trois semaines. C’est peut-être la partie la plus coûteuse, j’achète du sel spécial pour aquariums récifaux, c’est plus cher, mais je vous assure que cela en vaut la peine. Vu le volume important remplacé, il n’est pas nécessaire de s’occuper des paramètres secondaires de l’eau, je ne fais aucun ajout d’oligo-éléments, pas de calcium, strontium, iode …je fais confiance au contenu du sel de remplacement, en estimant ne pas être capable de faire mieux.
Il est cependant important d’aller doucement et progressivement pour remplir le bac, avec de l’eau qui est préparée quelque temps à l’avance, les invertébrés sont très sensibles au sel mal dissous.

B. LA FILTRATION NATURELLE
ET SES ZONES D’ECLAIRAGE SEPAREES

La filtration se fait dans chaque zone d’éclairage comme si chaque partie de l’aquarium assumait sa fonction d’épurateur d’eau, chacune à sa manière.
En effet, il ne faut pas croire que la vie n’existe et ne se développe que dans les couches les mieux atteintes par la lumière solaire ou, dans l’aquarium, par celle des HQI. Les personnes qui font de la plongée sous-marine vous diront que les plus beaux décors sous-marins , avec les couleurs les plus riches, ne se voient qu’à la lampe de poche, loin de la surface. Un bon plongeur n’est plus celui qui a le harpon le plus sophistiqué mais la torche la plus puissante. Malheureusement, tout cela n’arrange pas l’aquariophile qui aime voir ce qu’il possède dans son aquarium, cela va de soi.
Mais l’intérêt pour cette faune cachée revient au premier plan quand on sait que près des 100% de ces animaux sédentaires sont des filtreurs de premier ordre et ne vivent que de particules microscopiques en suspension dans l’eau ou même de sels dissous.

1. Dans la zone éclairée au maximum
Surélevée grâce au plateau en verre et aux autres coraux, cette partie de l’aquarium part du niveau 0 et arrive à une vingtaine de cm du niveau de l’eau, comme un « tombant », paroi verticale munie de saillies. La paroi supérieure, contre la vitre arrière, est couverte d’algues filamenteuses qui forment à certains endroits, des amas sphériques de 5 à 10 cm de diamètre, qui peuvent se détacher après un certain temps. Ces algues n’ont pas l’air de se développer sur des surfaces trop importantes, l’oursin semble tourner autour en grattant le substrat en profondeur.
Ces algues aident dans le processus de filtration mécanique naturelle, elles peuvent aussi capturer les nitrates qui se sont formés dans l’eau. En quantités importantes ? Je me permets d’en douter. Mais, elles donnent un beau résultat dans le décor par leurs mouvements, au gré des courants d’eau.
En installant mon décor « définitif », il y a 5 ans, j’ai placé une pierre vivante qui, sans le savoir, possédait 5 coraux durs. On dirait des coraux durs du genre Caulastea mais les éléments sont isolés, comme des champignons. Ce n’est qu’un an après la pose de la pierre vivante que je me suis aperçu qu’ils existaient et mieux, qu’ils vivaient encore. Un manteau verdâtre ressemblant au chapeau renversé d’un champignon lamellé apparaissait à leur surface. Ce sont les premiers filtreurs qui me sont ainsi apparus. Deux ont maintenant 2 cm de diamètre, les 3 autres 1 cm.

   
 
   
A d’autres endroits, par plaques séparées, naissaient aussi quelques éponges encroûtantes calcaires de couleur rose, du type Lithophyllum incrustans, comme on en rencontre dans la plupart des aquariums récifaux.
A la base de certains coraux, j’ai retrouvé régulièrement le matin, au moment où l’aquarium s’allumait, une poussière de sable de corail qui m’intriguait. J’ai rapidement réalisé que cette poussière provenait de rejets de petits vers qui creusaient des galeries dans mes coraux, et même dans les coraux morts qui, répartis parmi les autres, devenaient aussi des pierres vivantes. Ces premières observations m’ont poussé à ne plus toucher aux coraux, morts ou vivants, de l’aquarium. J’ai ainsi constaté que la masse corallienne se dégradait lentement mais sûrement, ce qui n’était pas pour me déplaire, un apport de calcium poudreux ne pouvant certainement être que positif pour l’équilibre général.

2. Dans les zones de pénombre

C’est la zone préférée de l’oursin. Il passe et repasse sur les coraux en raclant en profondeur. Rien ne lui résiste. Le corail est d’un blanc éclatant là où il est passé, on peut le suivre à la trace. Heureusement, il contourne les zones où se trouvent des vers tubicoles et ne les abîme pas. Mais les éponges encroûtantes par contre, sont méchamment attaquées. Il a l’air de suivre toujours le même chemin, sans doute a-t-il ses espaces préférés, son travail se concentre principalement sur le petit tombant et sur la zone située à mi-hauteur dans l’aquarium. Il vient parfois se reposer, il faut le signaler, au sommet le plus élevé, en plein éclairage.
Si l’on prend en mains un de ces coraux, à l’apparence nue, vu la présence de l’oursin, et qu’on le retourne, c’est là que se trouve toute la beauté des couleurs des fonds marins. Mais il faut éclairer cette partie avec une lampe puissante, genre spot halogène, si l’on veut voir ressortir les couleurs rouge, orange, rose et bleue de cet enchevêtrement de vers tubicoles, d’éponges encroûtantes ou non encroûtantes.

PHOTO d’un corail mort qui devient, au fur et à mesure des années, une pierre vivante avec un mélange d’algues vertes, de vers tubicoles et éponges rouge vif

   
 
   

Cette espèce de ver tubicole se construit un abri calcaire en forme de tube. Ce tube est irrégulier, marqué par des zones de croissance bien distinctes. L’ouverture est rougeâtre, c’est par là que le ver vient capter nourriture et oxygène grâce à de fines lamelles rougeâtres qui filtrent ces apports nutritifs et gazeux.
Si les éponges encroûtantes sont volontaires et croissent un peu partout, ce n’est pas le cas pour les vers tubicoles qui n’apparaissent qu’à des endroits de pénombre et même d’ombre totale. Ce sont des annélides polychètes, c'est-à-dire des vers à anneaux comme le ver de terre, le lombric, que nous connaissons bien, mais ceux-ci ont la caractéristique de vivre à l’intérieur de tubes calcaires qu’ils se fabriquent pour se protéger d’éventuels prédateurs.

Il en existe plusieurs dizaines de variétés, différentes par la taille, la couleur, l’épaisseur de la paroi du tube …. Leur donner un nom est affaire de spécialistes. C’est triste car ces espèces d’invertébrés se développant dans tel type d’eau et non dans une autre, sont des indicateurs de qualité ou de pollution d’un site. On les appelle des bio-indicateurs. Chaque espèce correspond à un type de milieu bien précis. C’est la meilleure manière de se rendre compte si l’on a une eau optimale ou non…. Mais il faut savoir les reconnaître.
Ces vers tubicoles sont bien connus des plongeurs, ils se trouvent un peu partout sur les parois rocheuses et obligent ces plongeurs à se munir de gants pour ne pas s’érafler les mains à leur contact car ils sont durs et coupants. Dans l’aquarium, ils n’occupent pas uniquement les zones en surplomb, mais aussi toutes les zones cryptiques que vous avez aménagées et qui agrandissent ainsi la surface de développement de ces petits êtres. Ce n’est pas sans raison que j’ai conseillé au début de l’article de créer une « zone creuse » en dessous du massif rocheux. La circulation d’eau permet une vie cavernicole très intense et la filtration naturelle n’en est que bénéfique.
Un animal non sessile, cette fois, habite aussi ces régions ombragées, ce sont les gammares. On ne les voit pas, leur activité doit être nocturne. Ils vivent parmi les algues et les éponges. Leur présence saute aux yeux lors du nettoyage des pompes ou de l’écumeur, et parfois lors d’un changement de direction dans le brassage de l’eau. Ce sont souvent des mues vides de contenu qui flottent à la surface. Ces gammares sont de petits crustacés que l’on trouve en eau douce comme en eau de mer. Communément appelés « puces d’eau », ils ont, comme les crevettes, crabes, … des mues régulières au cours desquelles ils abandonnent leur ancienne carapace pour s’en refaire une, généralement plus spacieuse. Leurs pontes donnent naissance à de minuscules larves ayant l’apparence de grains de riz de dimension inférieure au mm. On peut les observer sur les parois de l’aquarium, dans les zones protégées des poissons. Eux aussi participent à la filtration, un peu plus indirectement peut-être car leur fonction est de décomposer les déchets de nourriture en particules plus petites pour permettre à d’autres animaux de les absorber plus facilement.

3. Dans la zone d’ombre, le compartiment filtre
Cette zone est évidemment soumise à un éclairage nul, exceptée la lumière de la pièce dans laquelle l’aquarium se trouve. Quel animal peut se développer dans cet espace nu, occupé par les pompes et le matériel technique habituel ? Eh bien détrompez-vous. L’absence de poissons et de lumière provoquent l’apparition d’organismes tout à fait à l’abri du monde extérieur. On retrouve évidemment les vers tubicoles qui s’accrochent à ce qu’ils peuvent, aux tuyaux, aux pompes, aux instruments de chauffage… on en trouve même à l’intérieur du mécanisme des pompes, comme vous pouvez l’observer sur la photo page suivante

Tube à air servant
de support à des colonies
de vers tubicoles

   
 
   
Photo macro de l’intérieur de la pompe de l’écumeur  
   
 
   
Les vitres de séparation à l’intérieur de l’aquarium permettent de voir se réaliser quelques pontes d’escargots ou reproduction d’anémones. C’est ce second cas qui est apparu chez moi. Une anémone brune, d’environ 3cm de diamètre, provenant d’une pierre vivante. Elle est passée dans l’autre partie de l’aquarium et a abandonné des morceaux de son pied (reproduction par scissiparité) une bonne vingtaine de fois, j’ai donc maintenant une série de jeunes anémones d’environ 1 cm de diamètre dans la partie technique du bac. C’est un ajout pour ma filtration naturelle.
Se développent aussi par touffes plus ou moins importantes, une variété d’éponge formée de filaments entrecroisés blanc jaunâtre là où le courant d’eau est le plus fort. Je pense qu’il s’agit d’une éponge de la classe des Calcispongiae, Clathrina clathres (Schmidt), d’après la photo du livre Meeresfauna de Werner Baumeister. Les filaments sont très fins (0,5mm), ils se collent aux vitres et à l’écumeur.
Pompe Eheim avec colonies de vers tubicoles
   
 
   
Photo macro
   
 
   
4. Conclusion

Que ce soient crustacés, éponges, vers ou anémones, tous participent à la filtration de l’eau d’un aquarium bien équilibré, mieux que les mousses, ouate de perlon ou charbon de bois. La filtration naturelle permet l’absorption des déchets par des êtres vivants qui s’en nourrissent pour construire leurs cellules, contrairement à la filtration mécanique qui voit s’accumuler des substances en décomposition, sources de nitrites et nitrates.
J’ai volontairement laissé de côté l’action des bactéries qui se trouvent dans le sol … et un peu partout d’ailleurs. Elle est pourtant primordiale, il y aura toujours cette dernière action de transformation de la matière en nitrites et nitrates. Mais les nitrates formés ne peuvent pas s’accumuler et c’est là qu’interviennent une fois de plus les zones d’ombre. Dans ces zones non éclairées à faible courant, comme dans les couches non superficielles de sable de corail, les déchets transformés en nitrates sont confrontés à des bactéries anaérobies qui absorbent les nitrates pour rejeter l’azote et se « nourrir » de l’oxygène qu’ils contenaient. Tout cela favorise évidemment l’équilibre général et permet de diminuer les quantités et la fréquence des changements d’eau.


Mais pour arriver à un tel équilibre, l’aquariophile devra user de beaucoup de patience et de sagesse. Le nombre de poissons doit être limité, ainsi que les invertébrés de grande taille. Plus ils sont nombreux, plus ils consomment de l’oxygène et plus ils produisent de déchets. L’aquariophile doit sentir ce que son aquarium peut supporter.
La plupart des auteurs qui présentent l’évolution de leur aquarium récifal décrivent très bien ces étapes dans le temps. Et ce temps se compte en mois, au début, puis en années, avant de voir un véritable fond marin miniature apparaître devant nos yeux.

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